L’amour est un élément essentiel dans le développement affectif d’un enfant et un thème majeur de la littérature jeunesse. Mais quand il s’agit d’écrire une histoire d’amour pour les enfants, de nombreuses questions surgissent. Comment aborder l’amour selon l’âge des lecteurs ciblés? Quels sont les émotions sous-jacentes? Les thèmes qui l’accompagnent? Le style d’écriture? La longueur du récit?
Comme le développement des émotions et celui du langage varient d’un enfant à un autre – sans parler des moeurs qui évoluent sans cesse et qui font varier les groupes d’âge des lecteurs – si on veut écrire une histoire d’amour pour la jeunesse, on peut se retrouver en terrain inconnu.
Je vous propose aujourd’hui des pistes pour écrire des histoires d’amour pour des enfants de trois groupes d’âge, allant de 4 ans à la préadolescence. Et tout à la fin de ce billet, vous trouverez des suggestions de lectures pour chacun de ces publics.
Pour les enfants de 4 à 6 ans :
Il s’agit surtout d’albums de 24 pages. Le style est alerte et concis, le ton souvent humoristique et la fin, heureuse. L’amour est le thème unique du récit, donc en général ces histoires ne comportent pas de sous-intrigues.
Le récit pose les bases de la réflexion amoureuse : l’amour est un sentiment universel, différent de celui qu’on ressent pour maman, papa, le reste de la famille et les amis. L’amour est parfois interrogé ou analysé, mais au bout du compte, l’amour ne se justifie pas : chacun lui donne sa propre définition.
À cet âge, l’essentiel est d’apprivoiser le sentiment amoureux, d’en parler avec respect, de le rendre accessible, et faire en sorte que l’enfant l’accepte comme un sentiment naturel et dont il peut être fier.
« Être amoureux, ça veut dire aller au stade ensemble, dit Papa, voir des matchs de foot et acheter des sandwichs.
Être amoureux, ça veut dire faire moitié moitié, dit Mamie, quand il ne reste plus qu’une part de gâteau.
Être amoureux, ça veut dire rouler en voiture à deux dans la campagne! Dit Papi. »
C’est quoi l’amour? texte de Davide Cali, illustré par Anna Laura Cantone, Sarbacane, 2011
Pour les enfants de 6 à 9 ans :
Ce sont des récits courts, environ 1000 à 2000 mots. Le rythme est alerte et le ton est généralement joyeux. L’amour est le thème principal, mais des thèmes sous-jacents émergent également, tels que le respect de soi et le respect des sentiments de l’autre, la timidité, le rejet, la jalousie, l’estime de soi ou encore la diversité romantique.
Ainsi, les histoires dédiées à ce groupe d’âge se concentrent sur la découverte de soi et de l’autre. On explore la différence de manière optimiste et conciliante : personne n’est pareil et c’est très bien comme ça. Tout le monde se trompe, mais tout le monde grandit. Quant à l’amour, il vient parfois avec ses peines, mais on peut les surmonter.
« Lundi matin, à la récré, Zazie dit à Max :
– Assieds-toi là.
Là, c’est sur les marches de l’escalier qui mène aux WC.
Max demande:
-Pourquoi tu veux que je m’assoie là sur les marches de l’escalier qui mène aux WC?
Zazie répond:
– Comme ça, si j’ai envie de te donner un baiser, je saurai où te trouver. »
Mademoiselle Zazie veut embrasser Max, texte de Thierry Lenain illustré par Delphine Durand, Nathan 2012
Pour les préados (9 à 13 ans) :
La longueur des romans pour les préados peut atteindre 8000, comme 20000 mots. Le ton peut passer de l’allégresse au désenchantement le plus abyssal en l’espace de quelques lignes. Parallèlement à l’intrigue sentimentale, on suit une panoplie d’autres émotions de notre jeune héros/héroïne : ses petites joies, ses craintes, ses insécurités, son désir de grandir plus vite ou encore le regard qu’il/elle pose sur son entourage.
Dans ce groupe d’âge, la découverte de l’amour se fait en parallèle avec la prise de conscience de sa place dans la société : la pauvreté, le chômage, le choc des cultures, la violence, la dépendance, les interdits, les abus, l’éveil à l’actualité.
Le vocabulaire se colorie selon les humeurs : des petites ironies fleurissent ici et là, voire même quelques insultes, mais en général rien qui pourrait sérieusement choquer les parents.
Quant à l’amour, il se fait lui aussi plus nuancé. On apprend que les fins ne sont pas toujours heureuses et qu’on n’obtient pas une réponse à toutes ses questions. Cependant, l’amour reste toujours dans le domaine des sentiments, et au-delà d’un bisou rapide et du bonheur de se tenir par la main, il ne s’aventure pas sur le terrain de l’exploration physique.
« Elle a posé la tête sur mon épaule et elle a glissé sa main dans la mienne. Elle était chaude et sèche et mon coeur s’est mis à battre très fort, sans que je sache pourquoi. »
L’amour, c’est n’importe quoi! Mathieu Pierloot, l’école des loisirs, 2014
Pour plus de conseils sur l’écriture selon le lectorat ciblé, je vous invite à lire Écrire pour les enfants : comment choisir ses lecteurs? Et je vous quitte sur ces suggestions de lectures qui abordent l’amour selon les différents groupes d’âges :
Des albums pour les 4 à 6 ans :
– C’est quoi l’amour? texte de Davide Cali, illustré par Anna Laura Cantone, Sarbacane, 2011
– Les amoureux sont trop bêtes!!! texte de Davide Cali, illustré par Roland Garrigue, Sarbacane, 2018
– Bonjour l’amour! Texte de Ghislaine Dulier, illustré par Bérengère Delaporte, Glénat, 2018
– J’ai un chagrin d’amour, texte de Sylvaine Jaoui, illustré par Annelore Parot, Albin Michel jeunesse, 2017
– Splat est amoureux, Rob Scotton, Nathan, 2010
Des récits pour les 6 à 9 ans :
– Mademoiselle Zazie veut embrasser Max, texte de Thierry Lenain illustré par Delphine Durand, Nathan, 2012
– Le tournoi des princes charmants, texte d’Alain M. Bergeron, illustré par Fil et Julie, FouLire, 2008
– Un baiser pour Julos, texte de Christiane Duchesne, illustré par Mylène Pratt, Dominique et Compagnie, 2010
– Presque amoureuse! texte de Marie Demers, illustré par Blanche Louis-Michaud, Dominique et Compagnie, 2017
– Mon ogre bien-aimé, texte d’Arnaud Alméras, illustré par Charlotte Roederer, Milan, 2011
– Le prince des grenouilles, texte d’Emmanuelle Cabrol, illustré par Philippe Diemunsch, Milan, 2003
– Valentine picotée, texte de Dominique Demers, illustré par Andréanne Bossé, QuébecAmérique, 1998
– Tu as de beaux yeux, tu sais! Texte de Véronique M. Le Normand, illustré par Catherine Reisser, Pocket Jeunesse, 1998
– Inuk est amoureux, texte de Carl Norac, illustré par Martine Bourre, l’école des loisirs, 2009
– Petite taupe ne veut pas d’amoureux, texte d’Orianne Lallemand, illustré par Claire Frossard, Auzou, 2019
Des romans pour les 9 à 13 ans :
– L’amour, c’est n’importe quoi!, Mathieu Pierloot, l’école des loisirs, 2014
– Kamo – L’agence Babel, Daniel Pennac, Gallimard jeunesse, 1997
– Un coeur brisé, Jacqueline Wilson, Gallimard jeunesse, 2005
– Le journal d’Aurélie Laflamme – Extraterrestre … ou presque! India Desjardins, les Éditions de l’Homme, 2006
– Coup de foudre, Laurence Gillot, Bayard jeunesse, 2008
Dernière mise à jour : le 20 juillet 2023
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* Briand-Malenfant, Rachel, L’amour et l’amitié chez l’enfant, Éditions du CHU Sainte-Justine, Montréal, 2016, 167 p.
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Tellement contente de te retrouver ici. Tu sais que ces informations me seront peut-être très utiles pour le courrier. Nous avons souvent des lettres de jeunes amoureuses. Surtout les 9-10 ans. J’ai noté plein de titre d’album! 🙂
Coucou Milly 🙂 C’est vrai que tu dois en voir passer, des petits cœurs qui soupirent. En parlant d’albums, tu me fais penser que j’ai oublié de regarder dans la nouvelle section “albums pour les grands” à la bibliothèque, des albums pour des lecteurs un peu plus vieux. Je vais revenir avec mes trouvailles. Sinon, la catégorie “premiers romans” semble être la plus riche en histoires romantiques à caractère éducatif. De belles lectures pour un âge rempli de questions.
Petite pépite trouvée dans la section “albums pour les grands” :
“Je vous aime tant”, texte d’Alain Serres, illustrations d’Olivier Tallec, Rue du Monde, 2006. Pour les 5-9 ans. Si tu ne connais pas déjà, tu vas aimer j’en suis sure. <3
Merci! 🙂 Je vais aller voir cet album!!!